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L'Ange de la Montagne 1958-2018

Retour sur le parcours du Tour de France 1958 soixante ans après

13ème étape : Dax - Pau (7-8 mai 2018)

Le parcours de la treizième étape

Par la route, Dax est distant de Pau de 78 kilomètres. Or cette treizième étape du Tour de France 1958 entre ces deux villes prévoit 230 kilomètres, soit presque trois fois plus. Comment est-ce possible ?

En fait, le parcours allait de Dax à Pau par une route assez directe, contournait la cité d'Henri IV vers le sud, traversait le gave de Pau à Nay. Là, elle piquait à l'est jusqu'à Ossun, et obliquait plein sud vers Lourdes puis Argelès-Gazost. Suivait l'ascension de deux grands cols pyrénéens : le col du Soulor, puis le col d'Aubisque, redescendu côté Laruns. L'étape retournait vers Pau par la vallée d'Ossau. En somme, du plat entre Dax et Pau, et une belle boucle montagneuse de 150 kilomètres autour de Pau. 

Les choses sérieuses commençaient pour les coureurs : place aux grimpeurs, et Darrigade devait craindre pour son maillot jaune. Et moi aussi, soixante ans après, je vais devoir être à la hauteur.

Je décide de couper l'étape en deux parties :

- 1ère partie : Dax - Lourdes : 128,5 kilomètres (lundi 7 mai) ;

- 2ème partie : Lourdes - Pau : 101,5 kilomètres (mardi 8 mai).

Pour les nuits des 7 et 8 mai, nous avons réservé dans une maison d'hôtes à Pau. Le premier jour, je devrai donc rentrer de Lourdes à Pau en train, et le lendemain, Nicole me ramènerra à Lourdes le matin.

J'annonce d'emblée que je n'ai pas été en mesure de respecter exactement le parcours décrit sur la carte ci-dessus. D'une part, la route était encore fermée dans la partie finale de la montée de l'Aubisque ; d'autre part, des événements intervenus le lundi comme le mardi m'ont amené à dévier de l'itinéraire théorique.

Première partie : Dax - Lourdes (lundi 7 mai 2018)

Le 8 juillet 1958, les coureurs partaient groupés du casino de Dax, tandis que le départ réel intervenait 1,5 kilomètres plus loin, avenue Georges Clémenceau. Je dois dire que, dans le parcours inséré dans mon GPS, j'ai omis - par erreur - la partie groupée de la course. Je m'élance donc du point de départ réel, où aujourd'hui se trouve une grande surface.

La route s'élève légèrement en direction sud-ouest, vers Orthez. Le ciel est sans nuages, et ne se couvrira qu'en toute fin d'après-midi. Après 28 kilomètres j'entre dans le département des Pyrénées-Atlantiques.

Peu avant Orthez, j'observe sur ma droite une belle maison béarnaise.

Orthez est une sous-préfecture qui semble assez dynamique, avec une place centrale aérée. Je m'y arrête quelque minutes et me restaure d'un canelé acheté dans une boulangerie.

Entre Orthez et Pau, la route est plate et le plus souvent rectiligne. Elle suit le gave de Pau, et croise les usines chimiques qui occupent aujourd'hui le site d'où, en 1958, était extrait le gaz de Lacq.

Au bout de 80 kilomètres, je parviens à Jurançon, à quelques kilomètres à l'ouest de Pau. Avec Nicole, nous avions l'idée d'y prendre quelques bouteilles du "vin du roi, roi du vin", en prévision de notre fête familiale à venir. Sauf qu'en réalité, la cave coopérative des vins de Jurançon n'est pas dans cette ville, mais 10 kilomètres plus loin, à Gan, à l'écart du parcours de l'étape. Pendant un bon déjeuner à la terrasse d'une boulangerie qui propose d'excellentes salades (de pâtes, notamment, reconnaissance des cyclistes !), je regarde la carte, et décide de faire le détour. Je rattraperai le parcours à Nay, donc en faisant un petit détour par le sud. C'est le premier, et pas le dernier, des écarts au parcours.

 Je fais mes achats de vin : trois bouteilles de sec et trois bouteilles de doux. Nicole me rejoint peu après, et prend le nectar dans le coffre de la voiture. Je repars vers Nay, et là mauvaise surprise : la route monte très sérieusement, sous un soleil de plomb -, et je souffre beaucoup. Cela ne me rend pas très optimiste pour le lendemain.

A tel point que je n'ai pas le courage de pousser jusqu'au sanctuaire de Notre-Dame de Pietat, qui est le sommet de l'ascension. Je redescends vers Pardies-Piétat, puis Nay, où se trouve un amusant musée du béret.

A Nay, je suis surpris de traverser le gave de Pau, car je pensais que le parcours vers Lourdes suivait cette rivière.

En fait, la route part plein est, avec à nouveau une alternance de montées et de descentes, qui sont pénibles au bout de 110 kilomètres. Peu après Pontacq, j'entre dans les Hautes-Pyrénées.

Les montagnes russes s'arrêtent à Ossun - où se trouve l'aéroport de Tarbes-Lourdes, mais je ne le vois pas. Je rejoins la route de Tarbes à Lourdes, bien fréquentée, mais où les cyclistes peuvent rouler sur l'accotement, et parviens à la gare de Lourdes à 17 heures 15.

Je trouve rapidement un train qui me ramène à Pau. Je rejoins rapidement la maison d'hôtes, qui nous offre une belle chambre dans une villa au milieu d'un beau jardin.

Bilan de la journée : 137,7 kilomètres en 6 heures 23 minutes, soit une moyenne horaire de 21,6 km/h, à apprécier au regard du dénivelé : 1283 mètres.

Après m'être retapé à la maison d'hôtes, nous partons explorer Pau, et notre route croise le château d'Henri IV, qui est aujourd'hui le siège du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques. Nous dînons à proximité en terrasse, mais à l'abri d'une averse qui arrose la ville. 

Deuxième partie : Lourdes - Pau (mardi 8 mai 2018)

Le solide petit-déjeuner à la maison d'hôtes nous permet de bavarder avec les propriétaires, qui sont des cyclistes émérites : l'an dernier, ils ont parcouru l'Europe d'ouest en est, de Saint-Nazaire à Vienne, en suivant le Danube à partir de Donaueschingen, et ils prévoient d'aller de Vienne à la Mer Noire, avec tous leurs bagages sur leurs VTT. Comme nous-mêmes sommes allés l'an dernier - avec quelques raccourcis en voiture - des sources du Danube à Bratislava, nous avons des expériences communes à échanger.

Nous partons vers 9 heures 30 de Pau en voiture, jusqu'à la gare de Lourdes où j'étais parvenu la veille. D'ores et déjà, je dois adapter le parcours : la route qui rejoint le col du Soulor à celui de l'Aubisque est encore fermée, en raison du fort enneigement de cet hiver - mais de toutes façons il est rare qu'elle soit rouverte avant la mi-mai. Aussi je décide d'escalader le col du Soulor, et de là redescendre par la vallée de l'Ouzoum jusqu'à Asson. Je rejoindrai ensuite la vallée d'Ossau par Bruges et Louvie-Juzon, d'où je rejoindrai Pau. Cet itinéraire adapté me paraît respectueux des efforts que les coureurs de 1958 ont du accomplir, car, dans mon souvenir, l'essentiel de la difficulté est dans la montée du Soulor, et la traversée de la vallée de l'Ouzoum à celle d'Ossau vaudra bien la fin de l'Aubisque. Mais en réalité, je ne pourrai même pas suivre ce parcours "neutralisé".

J'ignore par où exactement les coureurs du Tour de France 1958 sont passés, mais me souvenant que la route principale entre Lourdes et Argelès-Gazost est pénible pour les cyclistes - souvent à 2x2 voies -, je préfère emprunter la piste cyclable installée sur l'ancienne voie ferrée de Lourdes à Pierrefitte-Nestalas. Celle-ci monte doucement vers Argelès-Gazost en suivant le gave de Gavarnie, et à un moment j'ai une superbe vue sur les montagnes de Bigorre enneigées.

Ma route croise des chevaux qui paissent dans les prés adjacents.

Argelès-Gazost est à 15 kilomètres de Lourdes : ce mardi 8 mai, c'est jour de marché au bourg, sous un ciel plutôt maussade.

La sortie d'Argelès-Gazost vers le col du Soulor est à gérer en souplesse, car elle comporte une côte de 3 kilomètres à plus de 8% de moyenne. L'effort en vaut toutefois la peine, car à l'issue de cette montée on parvient au Val d'Azun, un plateau à 800 mètres d'altitude qui est loin d'être désertique, et où déjà l'élevage est la principale activité agricole. A ce moment de la matinée, le ciel se découvre nettement.

A Arras-en-Lavedan, un panneau indique "route barrée", mais je ne m'en soucie pas, pensant qu'il s'agit de travaux à l'intérieur desquels mon vélo pourra se faufiler, surtout en ce jour férié où  je n'imagine pas que les services du conseil départemental des Hautes-Pyrénées soient sur le pont.

Erreur : à Aucun, au 22ème kilomètre, je dois rebrousser chemin. Un violent orage qui a éclaté dans la nuit précédente a fait déborder des ruisseaux et coupé la route vers le col du Soulor. Je dois redescendre à Arras-en-Lavedan, de là redescendre encore à Bun, et ensuite remonter par la vallée de la rivière qui porte le même nom (Bun). Je pourrai alors atteindre le village d'Estaing, au pied du col des Bordères qui me permettra de rejoindre Arrens-Marsoux, début de la montée proprement dite du col du Soulor.

Je me souviens que cette route est dure pour les cuisses : il y a des passages à plus de 10% avant Estaing, et ensuite le col des Bordères est court mais très raide. Arrivé à Estaing, il est déjà 13 heures 30, et je suis tenté de faire une pause dans un restaurant, et je fais signe à Nicole, qui m'attend déjà au col du Soulor, de m'y rejoindre.

Mais les choses vont se passer différemment : au carrefour vers le col des Bordères, je me trouve en compagnie d'un cycliste biarrot qui fait la traversée des Pyrénées dans le sens est-ouest, accompagné de ses deux fils qui le suivent en camping-car. Il me convainc de l'accompagner dans le col des Bordères, et nous escaladons donc ce col de concert : 200 mètres de dénivelé seulement, mais des passages sévères à plus de 14%. A l'arrivée au col, Nicole vient à notre rencontre et nous prend en photo. Mon comparse me quitte et repart rapidement vers le Soulor.

Je redescends jusqu'à Arrens-Marsous, où nous pique-niquons rapidement. Le ciel devient franchement menaçant, je ne tarde pas à attaquer la montée du col du Soulor. C'est une ascension assez régulière, à 7,5% de dénivelé moyen pendant huit kilomètres, mais avec un surcroît de difficulté à la fin.

Je parviens au sommet du col du Soulor vers 15 heures, sans doute de façon peu élégante compte tenu des kilomètres et du dénivelé déjà parcourus.

Compte tenu de l'heure déjà avancée de la journée, je décide de renoncer à la boucle qui doit me ramener dans la vallée d'Ossau, et je rentrerai directement vers Pau, via Asson et Nay. La vallée de l'Ouzoum, qui descend au sud depuis le col du Soulor, est très agréable, d'autant qu'il n'y a pas beaucoup de coups de pédale à donner jusqu'à Asson. C'est à la sortie de ce village que j'aperçois sur la droite un magnifique château Renaissance.

Il reste une trentaine de kilomètres à parcourir jusqu'à Pau. L'étape du Tour de France 1958 prévoyait un circuit autour du parc Beaumont, que je respecte scrupuleusement, et s'achevait en face de la gare. J'en profite pour rendre visite au "mémorial" du Tour de France installé non loin de là par la mairie. Je prends en photo la borne qui figure le Tour de France 1958 : attendez-vous à ce que le coureur mis à l'honneur joue un grand rôle dans les prochaines étapes.

Au total, j'ai parcouru 110,4 kilomètres, soit dix de plus que le long de l'itinéraire exact de 1958. En 6 heures 32 minutes, cela signifie une moyenne horaire de 16,9 km/h, nettement plus faible que la veille. Mais les 1800 mètres de dénivelé, conjugués aux vicissitudes de la journée, expliquent ce repli. Sincèrement, si je n'ai pas été fidèle au trajet, je pense avoir rendu un honnête hommage aux exploits des cyclistes de 1958, car la route vers Estaing et la montée du col des Bordères valaient bien la fin de l'ascension du col d'Aubisque. Pas le moindre regret de ma part, donc. 

Je rejoins rapidement la maison d'hôtes, et après m'être retapé, nous partons vers un restaurant de la rue Hédas qui se révélera excellent. Je témoigne de la qualité d'une omelette aux asperges et au chorizo, qui signera de la plus belle façon notre passage dans la capitale du Béarn.

Et en 1958...

Les grimpeurs étaient à la manœuvre dans cette treizième étape : Federico Bahamontes et Charly Gaul se détachaient dans la montée du col d'Aubisque, mais c'est Bahamontes qui passait en tête au sommet. Il était toutefois rattrapé dans la descente, et le peloton se regroupait avant Pau. Deux coureurs, le Français Louis Bergaud et le Hollandais Piet Damen, s'échappaient et arrivaient avec trois minutes d'avance sur la ligne d'arrivée à Pau, et c'est Bergaud, "la puce du Cantal" en raison de sa petite taille, qui l'importait au sprint (Louis Bergaud est encore de ce monde et coule à 90 ans des jours paisibles à Mauriac). Au classement général, Darrigade perdait son maillot jaune - il est sans doute arrivé dans le "gruppetto" -, mais le confiait à un autre Français, Raphaël Geminiani. Celui-ci comptait trois secondes d'avance sur Vito Favero et vingt-et-une secondes sur François Mahé. Tout restait donc à faire pour la victoire finale…

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